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Le Pre Rup et le Banteay Srei

Le Pre Rup et le Banteay Srei ont été construits sous le règne de Rajendravarman II qui débuta en 944. Ses victoires militaires lui permettront d'occuper le champa et d'étendre l'empire khmer. Angkor s'organise alors autour de son nouveau temple d'état, le Pre Rup. Le Banteay Srei, fondé en 967 par un brahmane, n'est pas un temple royal et se situe un peu à l'écart de la capitale. De petite taille, il est cependant exceptionnel pour ses décors sculptés.

Le Pre Rup


Construit au sud du baray oriental, le Pre Rup est consacré à Śiva. Son plan est proche de celui du Mébon oriental, érigé un peu plus tôt par le même roi au milieu du baray oriental, et de dimensions comparables: un plan carré de 120 m de côté. Mais, à la différence du Mébon oriental, il a été conçu comme une pyramide à gradins, que l'on gravit par des escaliers escarpés gardés de lions et qui supporte cinq tours dédiées à des divinités. Outre ces deux temples, Rajendravarman II fera construire de nombreux autres temples et monastères, perpétuant la tradition de rois bâtisseurs de ses ancêtres.

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Lion gardant un escalier du Pre Rup
Albums photo des temples d'Angkor

Le Banteay Srei


A cette époque, certains dignitaires accroissent leur pouvoir et font également ériger des monuments exceptionnels, à l'image du Banteay Srei, littéralement "la citadelle des femmes". Fondé en 967 par le brahmane Yajnavaraha, prêtre, médecin, astronome et musicien à la cour de Rajendravarman II, maître spirituel du futur Jayavarman V, ce temple a été construit sur le site de l'ancienne ville d'Iśvarapura à une vingtaine de kilomètres au nord-est d'Angkor. Il est dédié à Tribhuvanamaheśvara, le Seigneur des Trois Mondes. 

La couleur rose de son grès et la finesse extrême de ses sculptures font de ce temple un joyau de l'art khmer. Ses bas-relief, ciselés dans la pierre, sont d’une précision et d’une invention exceptionnelle. De petite taille, le Banteay Srei est presque entièrement couvert d'ornementations, cas unique à Angkor, à propos duquel Maurice Glaize écrit ainsi dans les Monuments du groupe d'Angkor: « Les proportions réduites de Banteay Srei n’ont pas manqué de surprendre et demeurent inexpliquées. C’est un sorte de caprice oû le détail, d’une abondance et d’une joliesse incomparables, l’emporte sur la masse. »

Contrairement à la plupart des temples d’Angkor, le Banteay Srei n’est pas un temple royal. Ceinturé de douves, le Banteay Srei est un temple plat. Il se compose de trois enceintes successives limitées par de simples murs.  L'enceinte extérieure mesure 95 m de large sur 110 m de long, avec des gopuras à l'est et à l'ouest, comme sur la deuxième enceinte de 38 m de large sur 42 m de long. La première enceinte, de 24 m de côté, est construite en brique, contrairement aux autres; on y pénètre par deux portes situées à l'est et à l'ouest. Elle contient trois tours sanctuaires et deux "bibliothèques", qui ont fait l’objet d’une restauration complète.

Resté longtemps isolé dans une région envahie par la forêt, sa redécouverte remonte à 1914 et son dégagement n’a été décidé qu’en 1924. Sa restauration, initiée en 1931 par le conservateur des monuments d’Angkor de l’époque, Henri Marchal, nécessitera cinq ans de travaux, du fait de l’éloignement du site, difficilement accessible.

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Linteau et frontons sculptés au Banteay Srei
Albums photo des temples d'Angkor

L'Affaire Malraux


En 1923, après deux années de bohème à Paris qui ont consommé toutes leurs économies, Clara et André Malraux embarquent à Marseille sur "L'Angkor" pour une traversée d'un mois vers le Cambodge. Quelques semaines plus tôt, André avait exposé son projet à sa compagne: « Du Siam au Cambodge, le long de la voie royale qui va de Dangrek à Angkor, il y a de grands temples, ceux qui ont été repérés et décrits dans l'Inventaire, mais il y en a sûrement d'autres, encore inconnus aujourd'hui...Nous allons dans quelque petit temple du Cambodge, nous enlevons quelques statues, nous les vendons en Amérique, ce qui nous permettra de vivre ensuite tranquillement pendant deux à trois ans. »

Avant le départ, Malraux, passionné d'art khmer, a contacté de riches collectionneurs susceptibles d'acheter des sculptures khmères. Il possède également un ordre de mission du ministère des Colonies. S'il lui permet apparemment de faire des recherches au Cambodge, le représentant de l'administration coloniale à Siem Reap lui explique que les temples de la région sont protégés depuis peu par une loi. Loin de renoncer, André Malraux et son équipe mettent le cap sur un temple peu connu et isolé au nord d'Angkor, le Banteay Srei, encore à l'état de ruine à cette époque. Après deux jours de travail acharné, quatre grands morceaux de bas-reliefs, soit une tonne de pierres, sont chargés sur les chars à boeufs, puis la vedette fluviale pour Phnom-Penh.

Le 23 décembre, à leur arrivée, ils sont arrêtés par les gendarmes, dénoncés par un de leurs guides khmers. Assignés à résidence, ils sont jugés en juillet 1924: André Malraux est condamné à trois ans de prison ferme et son ami à 18 mois, Clara bénéficiant d'un non-lieu. De retour en France, elle se bat pour son mari et mobilise l'intelligentsia parisienne. En octobre, la cour d'appel de Saigon réduit la peine d'André Malraux à un an de prison avec sursis et celle de son ami à huit mois avec sursis. De retour à Paris, Malraux signe un contrat chez Grasset, bénéficiant de la publicité sulfureuse que lui apporte cette affaire, et publie cinq ans plus tard "La Voie Royale".