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Phnom Penh, la perle de l'Asie

Phnom Penh est la capitale et la ville la plus peuplée du Cambodge avec environ un million cinq cent mille habitants. Administrativement, Phnom Penh est également une province du Cambodge, ainsi que le centre économique et politique du pays. Enfin, depuis l'époque de la colonisation française, Phnom Penh est le nœud central du réseau routier cambodgien: la ville est située au croisement de l'ensemble des routes nationales qui desservent les différentes villes et provinces du Cambodge ainsi que les pays voisins: la Thaïlande, le Laos et le Vietnam. 

La ville tient son nom du "Wat Phnom Daun Penh"plus connu aujourd’hui sous le nom de "Wat Phnom", la "colline du temple". C'est "Daun Penh", "Grand-mère Penh", une riche veuve, qui aurait fait construire cet édifice religieux en 1373 pour abriter cinq statues du Bouddha sur un tertre de 27 m de haut.

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Cambodge, Phnom-Penh. Le Phnom vu du sud
Source: Gallica (Bnf)


La légende de Daun Penh


Il y a très longtemps, près des rives des “Quatres Bras”, vivait une riche dame âgée appelée Penh. Un jour de forte pluie, Daun Penh aperçut un tronc d'arbre flottant en direction de la rive. Elle appela ses voisins afin de sortir le tronc de l’eau. C'est alors qu'elle aperçut à l’intérieur du tronc quatre statues de Bouddha en bronze et une en pierre. La vieille dame fit construire un petit auvent afin d’accueillir temporairement les statues dans sa maison. 

En 1373, Daun Penh et ses voisins élevèrent une colline et décidèrent d’y ériger un petit temple. Les quatre statues de Bouddha en bronze furent disposées à l’intérieur, tandis que la statue de pierre fut dressée sur un autel à l’est de la colline. Après la construction du temple, Daun Penh invita des moines à venir s’installer au pied de la colline. L’endroit fut appelé Wat Phnom Daun Penh.


Situation géographique et climat


Phnom Penh se situe dans la moitié sud du Cambodge, alors que la capitale historique, Siem-Reap, berceau de l'Empire khmer, se trouve plus au nord sur les rives du lac Tonle Sap. Phnom Penh est construite au croisement de quatre rivières: le Mékong "amont" et le Mékong "aval", le Tonlé Sap, un affluent venant du lac du même nom, et le Bassac, donnant à la ville son ancien nom de "Krong Chaktomuk""la ville à quatre visages"

Phnom Penh connaît un climat tropical marqué par deux saisons. La saison des pluies, très chaude et humide, s'étend de mai à octobre. Les rues de la ville peuvent alors parfois se trouver inondées pour quelques heures par les pluies diluviennes mais aussi du fait du mauvais entretien des systèmes d'évacuation des eaux. La saison sèche, où les températures sont plus clémentes, s'étend de novembre à avril.

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Confluent du Mekong et du Tonle Sap à Phnom Penh
Albums photo de Phnom-Penh 


Origines historiques



Phnom Penh a été fondée en 1434 après que Ponhea Yat, roi de l'empire khmer, se soit enfui d'Angkor Thom lors de sa prise par le Siam en 1431. Dans un premier temps, il décida de construire un nouveau palais royal à Tuol Basan dans la province de Kampong Cham. Mais il n’occupa ces lieux qu'un an: en raison des inondations incessantes durant la mousson, il partit et édifia une nouvelle cité qui allait devenir la future Phnom Penh sur les rives du Tonlé Chaktomuk, "la rivière aux Quatres Visages". Un stûpa situé derrière le Wat Phnom abrite les restes de Ponhea Yat et de la famille royale.

En 1497, le palais du roi fut à nouveau déplacé à Angkor, puis successivement à Pursat, à Boaribo, non loin de Longvek, ainsi qu’à Oudong... Finalement, ce ne fut qu'en 1866 sous le règne de Norodom Ier que Phnom Penh devint le siège permanent du gouvernement, et que le palais royal y fut construit pour ne plus en bouger. Voici la description du palais royal en 1901 que l'on doit à Pierre Loti dans Un pèlerin d'Angkor:

"Aujourd'hui, au premier soleil de six heures et demie du matin, errant seul, je franchis la porte d'une cour de ce palais, une cour qui est très grande et pavée de blanc; au milieu, isolée dans ce vide si clair, une svelte pagode blanche et or, dont le toit se hérisse de pointes d'or (...)
Elle est toute neuve, cette pagode; elle éblouit par la blancheur de ses marbres, et ses ors étincellent. Ses fenêtres ont des couronnements d'or qui, sur le fond neigeux des murailles, se découpent comme de nettes joailleries et finissent en pointe de flèche. Quant à ses toits, couverts de céramiques dorées, ils ont des cornes à tous les angles, mais des cornes très, très longues, qui s'inclinent, se redressent, menacent en tous sens! " 

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Cour du Palais Royal à Phnom Penh


La perle de l'Asie


La fin du 19e siècle marque le début de la transformation de Phnom Penh en une grande ville, les colonisateurs français agrandissant le système de canaux pour contrôler les terres humides, construisant des routes, un port... La ville s'est ainsi beaucoup développée sous l'impulsion de la France, qui lui a laissé en héritage de nombreux bâtiments à l'architecture européenne et coloniale, notamment le long des grands boulevards. Pour mettre en valeur les trésors architecturaux khmers, les Français dessinèrent de larges avenues qu'ils bordèrent de luxueux bâtiments.

Capitale du Royaume du Cambodge à l'époque de l'Indochine française, Phnom Penh fut surnommée la "perle d'Asie". Jusqu'en 1970, elle continua de s'agrandir avec les constructions d'une voie de chemin de fer jusqu'à Sihanoukville et de l'aéroport international de Pochentong. Lors d'une visite en 1967, le Premier Ministre de Singapour, impressionné par la beauté et le développement de Phnom Penh, confia à son hôte Norodom Sihanouk: « j'espère qu'un jour ma ville ressemblera à la vôtre », recommandant à ses Ministres de s'inspirer de son modèle de développement. Mais l'histoire de Phnom-Penh et du Cambodge tout entier allait bientôt basculer dans une période trouble.

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Architecture de style colonial à Phnom-Penh


Ville fantôme sous les Khmers rouges


Pendant la guerre du Vietnam, le Cambodge était utilisé comme base arrière par l'armée Viêt cong. Des milliers de réfugiés envahirent alors Phnom Penh, fuyant les combats entre les vietcongs et les troupes du sud Viêt Nam, les bombardements américains, mais aussi la guerre civile entre les troupes gouvernementales et les Khmers rouges. Pendant les années du gouvernement de Lon Nol, la ville fut enclavée, puis assiégée par les Khmers rouges. Les ravitaillements n'étaient possibles que par l'aéroport de Pochentong et des convois venant du Sud-Vietnam sur le Mékong.

Lorque Phnom-Penh tomba aux mains des Khmers rouges le 17 avril 1975, le jour de la nouvelle année cambodgienne, leur première décision fut d'en déporter tous ses habitants: en une journée, elle fut vidée de la quasi-totalité de ses deux millions d'habitants et laissée à l'abandon pendant près de quatre ans, devenant une ville fantôme.

Les citadins étaient envoyés par les Khmers rouges dans des camps de travail. Ils formaient le "nouveau peuple", par opposition aux paysans qui habitaient déjà la campagne. On estime que 80 % des habitants de Phnom Penh ont péri suite aux exécutions, aux tortures et aux privations sous le régime de Pol Pot. L'école Tuol Svay Prey, prison et centre de torture sous les Khmers rouges, est devenue aujourd'hui le musée Tuol Sleng qui, à l'image du site de Choeung Ekcouramment appelé "killing fields", constitue un mémorial aux victimes de ce génocide.

Reconstruction


Lorsque les Khmers rouges furent chassés de Phnom Penh par les vietnamiens en 1979, la capitale revint lentement à la vie. Des masses de gens, affamés et traumatisés, s'y réinstallaient peu à peu. Contraints de gérer une transition délicate, les Vietnamiens déclarèrent nulles toutes les revendications immobilières et foncières à Phnom Penh, attribuant les logements selon la règle du “premier arrivé, premier servi”.

Mais après quatre ans d'abandon, les infrastructures, gravement endommagées, ne fonctionnaient presque plus et Phnom-Penh resta encore coupée du monde occidental de longues années. La reconstruction ne débuta réellement qu'après les accords de Paris en 1991, la stabilité gouvernementale attirant des investissements étrangers et l'aide de pays comme la France, l'Australie, la Corée, la Chine et le Japon....

Phnom Penh aujourd'hui


Cette période de repeuplement spontané a engendré un étonnant paysage urbain. La ville connait ainsi un développement anarchique, n'obéissant à aucun plan d'urbanisme.

Avant sa destruction par un incendie en 2002, le “bloc Tan-Pa”, un bidonville construit au sommet d’un immeuble, le plus grand et le plus organisé de ce type avec 250 maisons disposées autour d'une rue centrale, abritait à lui seul un millier d’habitants vivant du commerce et de l'artisanat. Situé prés du marché central et relié à la rue par un seul escalier, il possédait sa propre administration, ses écoles et sa place...

Au nord de la ville, un couvent datant de l’époque coloniale a temporairement fait office d’orphelinat pour les enfants des parents morts sous Pol Pot. Depuis, les enfants ont grandi et les rangées de lits ont cédé la place à des cloisons en bois, puis à des murs en brique: aujourd’hui, le bâtiment est ainsi divisé en logements.

Dans l’ancien grand cinéma désaffecté de Phnom Penh, "Hemakcheat", au cœur de la ville, se cache un bidonville où vivent des centaines de personnes, parfois contre un loyer de quelques dizaines de dollars. Beaucoup y ont passé une grande partie de leur vie. Un des murs est rongé par le ruissellement des eaux usées d’un autre camp sur les toits. Des centaines de chauves-souris aux cris perçants habitent également cette obscurité. Malgré tout, ses occupants ne sont pas pressés de partir. Situé à quelques centaines de mètres des quais et du marché central, ce quartier est très prisé des chiffonniers, conducteurs de cyclo-pousse, marchands de fruits, serveurs, mendiants...

Depuis 2005, les dernières années ont connu une période d'euphorie et de spéculation immobilière. De nombreux projets immobiliers ont le vu jour, de nombreux bâtiments de l'époque coloniale tels que les Brasseries et Glacière de l'Indochine, le Commissariat Principal de Police... ont été vendus et démolis pour être remplacés par de nouvelles constructions. La ville y perd ainsi peu à peu du charme qui la caractérisait et adopte petit à petit les codes architecturaux et urbanistiques des grandes villes d'Asie du sud-est. 

Des bâtiments de plus de trente étages sont maintenant construits en centre ville, bouleversant le paysage urbain et les perspectives des grands boulevards coloniaux. Le premier ministre Hun Sen lance des appels aux investisseurs pour construire des gratte-ciel à Phnom-Penh. Plusieurs ont déjà vu le jour dont la Vattanak tower en 2014, qui est la plus haute à ce jour, culminant à 188 mètres. Deux tours jumelles de 192 mètres, les Golden tower 42, sont en cours de construction mais le chantier traîne en longueur, entrecoupé de longues périodes d'interruptions...

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L'ancien lac de Boeung Kak 
comblé de sable


Anarchie immobilière et expulsions forcées


Cette anarchie immobilière entraîne de graves conséquences pour les habitants: selon des associations cambodgiennes de défense des droits de l’homme, quelque 140 000 personnes, environ 11 % de la population de la capitale, ont ainsi été expulsées depuis 1990, majoritairement ces dernières années. Ces “évictions forcées” constituent aujourd’hui une question centrale sur les droits de l’homme au Cambodge, évoquée par Barack Obama lors de sa visite à Phnom-Penh fin 2012.

Depuis 2007, des milliers de personnes ont notamment été expulsées de force dans la zone du lac Boeung Kak, cédé à une entreprise qui projette d'y construire un nouveau quartier. Tuyaux et bulldozers ont renfloué le lac en y déversant des tonnes de sable. Les autorités ont harcelé et menacé les habitants pour les pousser à accepter une indemnisation dérisoire ou un nouveau logement dans un site éloigné des emplois, sans service essentiel ni infrastructure... La même situation frappe plus de 300 familles expulsées de force de Borei Keila, un quartier central de Phnom Penh, début 2012.

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